Lettre ouverte d’Éric Alan Caldwell et de Marie-Claude Léonard : L’heure des choix pour le transport collectif - French only

News

Éric Alan Caldwell, président du CA de la STM, et Marie-Claude Léonard, directrice générale de la STM, cosignent cet appel à prendre le financement de l’exploitation du transport collectif au sérieux afin d'éviter une spirale de décroissance et ses lourds effets sur la qualité et l'offre de service.

French only

Veuillez noter que cette lettre ouverte a initialement été diffusée dans La Presse le 9 février 2024.

***

La STM a confirmé, au début du mois, des compressions budgétaires sans précédent dans son histoire, avec 86 millions de dépenses récurrentes coupées sans toucher à son niveau de service, ce qui représente un effort équivalent à 5 % de son budget.

Ce n’est jamais de gaieté de cœur qu’une organisation prend ces décisions, mais nous l’avons fait avec la volonté de prendre nos responsabilités dans un contexte économique difficile. Celles-ci font suite aux efforts effectués en 2022 et 2023 à la sortie de la pandémie, où la STM a assuré son rôle de service essentiel pour la population, malgré le contexte sanitaire.

C’est indéniable, on doit trouver des moyens de livrer les services à juste coût. Nous avons ainsi retourné toutes les pierres, dans le but de cibler chacune des économies qu’on pouvait effectuer, et ce, sans toucher l’offre kilométrique.

Bien que ces mesures pourraient impacter la qualité de l’expérience de nos clients, réduire les niveaux de service est la dernière chose que l’on souhaite.

Plus que jamais, alors que nous assurons un million de déplacements quotidiens pour une multitude de personnes de tous les milieux ; alors que, plus que jamais, on doit convaincre la population de délaisser la voiture solo et de choisir le transport collectif, notre présence et notre service sont d’une importance capitale.

Ces efforts budgétaires sont faits pour maintenir le cap sur cette mission.

Mais après trois années de restrictions budgétaires, où on continue d’opérer à quasi plein régime, force est de constater que nous en arrivons à un mur. Bien que nous continuerons de faire preuve de rigueur budgétaire, on ne peut plus poursuivre à ce rythme. On ne peut plus reproduire cet exercice continuellement sans s’attendre à des conséquences sur le service.

Il faut prendre conscience que le Québec n’a pas les moyens de s’offrir un recul en transport collectif.

Nous arrivons à un point tournant : un désengagement dans le financement de l’exploitation mènerait à une baisse de service et donc de l’achalandage. Cette spirale de décroissance, nous l’avons déjà vécue. La réforme Ryan qui, en 1992, réduisait la participation du gouvernement du Québec dans le financement du transport collectif a conduit à des coupures de service, puis à une réduction soutenue de l’achalandage. Il a fallu 15 ans pour retrouver la clientèle perdue. Pour le bien des générations futures, c’est la dernière chose que l’on peut se permettre.

Cette spirale, elle nous guette. Nous arrivons donc à l’heure des choix. Est-ce qu’on veut continuer les réductions de dépenses, sans égards aux conséquences ? Est-ce qu’on souhaite que le service stagne? Ou voulons-nous mettre les efforts nécessaires pour augmenter le service en attaquant la question des revenus insuffisants de front?

Pour nous, le choix est simple : il est grand temps d’identifier des sources de financement pérennes à la hauteur des ambitions que la société se donne pour l’avenir de la mobilité durable du Québec.

L’offre de service est déterminée par nos budgets, soit les revenus moins les dépenses. Il est sain et justifié de travailler sur le contrôle et l’efficience de nos dépenses. C’est ce qui nous est demandé et c’est ce que nous faisons. Cet exercice ne doit toutefois pas occulter l’autre partie de l’équation budgétaire, c’est-à-dire les revenus. Ultimement, nous aurons le service qu’on décide collectivement de se payer, en y assurant des revenus conséquents.

Dès 2025, il faudra un financement adéquat pour préserver les niveaux de services actuels. Un cadre financier clair sur cinq ans permettrait aussi de mieux planifier une relance du service. Mais ce qu’on balaie trop souvent du revers de la main c’est que, tôt ou tard, le transport en commun devra obtenir de nouvelles sources de revenus, ou à tout le moins indexer les sources actuelles.

Le passé nous a démontré qu’un désengagement dans le transport collectif peut mener à de lourdes conséquences sur l’offre et la qualité du service offert à la population. À long terme, c’est une décision qui coûterait cher à toute la société.